Les leçons de vie du RMI et du célibat

« Il y a un temps pour tout et chaque chose sous le ciel a son heure » disait l’Ecclésiaste.

A l’instar du printemps qui livre un poignant combat contre un hiver persistant et tenace, j’ouvre ma fenêtre pour laisser passer des rayons de lumière sur l’obscurité de mes réflexions. Aujourd’hui, c’est la trêve. En moi, la guerre entre mélancolie et joie de vivre n’est sans doute pas terminée, mais je goûte cet instant de calme. J’entrevois les douces paroles de la sérénité par-delà l’obscurité de ma grotte tapissée de souffrance et de colère où je vivais recluse.

Les bouddhistes estiment que les phénomènes extérieurs sont vides et n’ont ainsi pas d’existence propre. Notre mental, notre regard, nos pensées et émotions sont les uniques responsables de la tonalité « heureuse » ou « malheureuse » d’une situation. Aujourd’hui, il est temps pour moi d’envisager les phénomènes RMI et célibat sous l’angle bouddhiste.

Une pensée absolument incroyable, déroutante jusqu’à en être indécente apparaît : se pourrait-il que le RMI et le célibat soient des facteurs d’épanouissement pour moi au lieu d’un drame ?

Gavée jusqu’à l’indigestion d’images blessantes, attachée au banc des accusés coupables de ne pas être socialement identifiables, enfermée dans ma caverne de dévalorisation, j’effectue quelques pas hésitants vers un nouveau monde avec un autre regard. Je m’efforce de faire preuve d’honnêteté intellectuelle et de considérer ma situation autrement…

Se pourrait-il que le RMI et mon célibat ne soient pas une source de honte et de rejet ? Pire, les deux seraient-ils un bienfait pour moi ?

Une remarque d’une personne proche a été la première pierre à l’édifice de ma réflexion. « Etre capable d’être fier de soi, heureux et serein en société sans être en couple ni cadre dans une puissante entreprise, voilà un parfait modèle de haute estime de soi », me dit-elle alors que l’on se rendait à une soirée mondaine source de craintes pour moi.

Cette phrase pulvérisa en un instant mon mal-être et ouvrit la brèche à un monde nouveau. Lorsque je sors, lorsque je rencontre des gens, lorsque je vis et respire, je n’ai pour identité que moi-même et l’essence-même de ma personne. En effet, contrairement à d’autres, je ne peux m’abriter sous les artifices d’une réussite sociale ni d’un mari talentueux et admiré de tous. C’est moi, et uniquement moi, dans mon plus simple appareil que les autres découvrent. Quand je parcours mes années « noires » et mon entourage, je constate que mes proches m’apprécient telle que je suis, PDG ou non, aimée par Mr Perfect ou non. N’est-ce pas un précieux cadeau que d’être apprécié pour l’être que l’on est réellement et sans fioritures superficielles ?

Auparavant, je brandissais le bouclier de ma vie professionnelle pour me protéger des flèches d’une sorte de compétition dans le jeu du « qui a le mieux réussi ». J’arborais fièrement mon blason de jeune chef d’entreprise de 25 ans. Je me parais du manteau de l’orgueil en me déplaçant en voitures de luxe, en étant la compagne d’un homme avec de grandes responsabilités et adulé de tous (et toutes !).

Aujourd’hui, je suis dépouillée de tout. Livrée à moi-même et ne portant que l’unique costume de mon être profond et sincère, je comprends que ma situation actuelle est un cadeau. Certes, le cadeau est un peu spécial, il peut même en dérouter plus d’un, j’en conviens. Il m’a été offert comme on donne une gifle ou un coup de poignard. Je reconnais aussi que je ne distingue pas encore pleinement la bienveillance du donateur de cet étrange présent. Néanmoins, le « cadeau » fait de l’effet…

Je suis ainsi obligée de puiser en moi ce qu’il existe de bon, de respectable et digne d’être aimé. J’ai pu déployer des qualités humaines et d’écoute dont je ne me croyais pas capable. J’ai élargi mon cercle d’amis, je peux leur offrir une qualité de présence, de disponibilité et de soutien. Je ne suis plus autorisée à vivre sous le voile confortable de l’orgueil. Je prends le temps de parcourir le paysage de mes aspirations, de la personne qui se cachait en moi et je la nourris mieux. Je me dois aussi d’être plus créative que les autres dans la recherche d’une situation professionnelle en développant des idées novatrices et un goût certain pour l’Aventure.

Ce « cadeau », oui, c’est un cadeau, s’avère inestimable. Il contient des promesses et les germes d’un grand bonheur. Il ne s’agit pas d’une satisfaction matérielle ni d’occasions de rencontrer des Princes charmants. Ce bonheur est profond car c’est celui que nous seuls pouvons nous offrir à nous-mêmes. Ce bonheur est un indéfectible Amour de soi, celui qui est inconditionnel et fondamentalement bienveillant.

Si l’Amour de soi n’est plus lié à des contingences extérieures, à des objets, à des personnes, à un statut social et familial, alors c’est un grand pas vers notre propre liberté.

Mon chemin est encore sinueux, je devine déjà qu’au détour de rencontres et de situations nouvelles je risque de chuter et d’égratigner cette fragile estime de moi-même qui hésite encore à s’affirmer. Néanmoins, j’ai pu sortir de ma caverne et voir la lumière quelques instants. Je ne tournerai plus le dos à l’entrée de ma grotte même si j’y vis encore. Mon esprit garde en mémoire cet instant de délice d’un nouvel éclairage sur ma vie. A moi d’apprendre à continuer ma route en renforçant cette conviction que Diane F., Rmiste et célibataire est une chrysalide qui peut devenir un papillon. Avec ou sans emploi. Avec ou sans mari.

J’ai commencé cette réflexion avec une citation, je la termine avec une autre en m’inspirant de Rudyard Kipling.

« Si tu peux être Rmiste et célibataire à 34 ans, si tu peux t’aimer et être aimée… Alors tu seras une femme, ma fille ».